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Economie et Développement Durable
3 mars 2009

Interview de Robert Bell (économiste américain)

ROBERT BELL : « La course aux énergies renouvelables va sortir le monde de la récession »             Propos recueillis par Marie-Béatrice Baudet.

 

Pensez-vous qu'après une grande phase d'expansion, l'économie mondiale est en train de tomber en récession ?

 

Nous sommes en train de vivre une crise massive qui succède, en effet, à une phase d'euphorie - j'allais dire de sur-euphorie - et, dans ce sens, nous nous inscrivons dans les lois classiques de l'économie, à savoir les cycles. Mais tout cela ne peut excuser les erreurs qui ont été commises par les responsables américains.

 

A savoir ?

 

La Fed, la Banque centrale américaine, a fait marcher à fond la planche à billets afin d'éviter que les Etats-Unis ne subissent un ralentissement trop violent après l'éclatement de la bulle Internet et la décision coûteuse d'entrer en guerre contre l'Irak. Cet argent facile a été à l'origine de la bulle immobilière actuelle. N'importe quel ménage américain désireux d'acheter une maison trouvait un financement auprès d'une banque, même ceux qui ne montraient aucun justificatif de salaire ou d'imposition : les établissements financiers les pénalisaient simplement via une taxe supplémentaire. Et si cela ne suffisait pas encore à gonfler les dépenses de consommation, le gouvernement Bush a de surcroît mis en place un programme important de réduction des taxes à destination, cette fois-ci, des plus riches. Seulement, pour financer tout cela, les Etats-Unis ont creusé leurs déficits, empruntant auprès du monde entier, le Japon et la Chine, en particulier. Résultat : le dollar s'est effondré et, par conséquent, puisque le prix du baril de pétrole s'exprime en billets verts, les producteurs désireux de maintenir leur pouvoir d'achat ont augmenté les prix de l'or noir.

 

Et la flambée des matières premières, une bulle, elle aussi ?

 

Concernant les matières premières, je ne parlerai pas de bulle, mais seulement de marché haussier. L'Asie (Chine, Vietnam, Malaisie, etc.) est en pleine ébullition et a besoin de cuivre, d'aluminium et de beaucoup d'autres métaux pour construire et transformer. De même, les pays émergents aspirent à mieux se nourrir et importent des denrées alimentaires dont les prix ont eux aussi fortement augmenté. Quoi qu'il en soit, le charivari actuel, et je pense en particulier à la hausse de l'énergie, va provoquer, comme l'histoire l'a déjà montré, un nouveau rebond mondial et je suis persuadé que celui-ci va être guidé par la volonté d'inventer l'après-pétrole, de créer un nouveau modèle énergétique.

 

Selon vous, nous allons assister, comme vous l'évoquez dans votre dernier ouvrage, à une ruée vers « l'or des énergies renouvelables »...

 

La convention démocrate vient de s'achever et cette question de la lutte contre le réchauffement - déjà largement évoquée par Al Gore - a été au coeur des débats de Denver. Combien faut-il investir ? Combien d'emplois vont-ils être créés ? Barack Obama avance le chiffre de 5 millions. Auriez-vous imaginé, il y a encore un ou deux ans, que l'un des rois texans du pétrole, T. Boone Pickens, allait se lancer dans un projet pharaonique de construction d'éoliennes déjà évalué à 2 milliards de dollars ? Le coût total devrait atteindre près de 10 milliards de dollars avec une capacité de production d'électricité proche de celle fournie par quatre centrales nucléaires en Espagne !

Ces investissements massifs ne sont pas le propre des Etats-Unis, en retard sur ce sujet par rapport à l'Allemagne, pays pionnier dans « l'industrie du vent ». Regardez ce qui se passe au Royaume-Uni qui prévoit un développement majeur de ses parcs éoliens. Cet immense défi de vouloir sauver la planète va être le moteur puissant qui va permettre de sortir les pays occidentaux de la récession. Ce développement industriel massif en énergie renouvelable, totalement réalisable avec les technologies opérationnelles aujourd'hui, est la chose la plus importante qui, selon moi, arrive au monde depuis 1945.

 

Mais vous dites aussi que tout cela pourrait mal finir avec l'éclatement de cette « bulle verte »...

 

Nous n'en sommes pas encore là. Mais il est clair que les marges de manoeuvre financières des gouvernements occidentaux sont si réduites que ces investissements massifs ne pourront être financés que par le marché, la Bourse. Les investisseurs chercheront la rentabilité et auront peur - d'ici une petite dizaine d'années - si les énergies renouvelables se banalisent trop. Il faudra éviter, cette fois-ci, les excès financiers en tout genre.

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